Concert Naseer Shamma à l'Institut du Monde Arabe

Un public en apesanteur Samedi 30 avril dernier au sein du superbe auditorium plein à craquer de l'IMA !!

Le sultan du ôud Naseer Shamma a proposé un concert haut en couleurs, mélangeant habilement les moments contemplatifs sujets à l'introspection et des compositions exigeantes que seuls des virtuoses peuvent assumer : émotions et voyage garantis…

Le maître commence seul une version inspirée de son World without fear qui met tout de suite tout le monde d'accord : le sultan n'est pas venu en touriste, il insuffle la bise, attise les braises et calme le jeu comme il décide, insiste sur la tradition lorsque le moment semble l'inviter, son luth respire tandis que le public retient son souffle. Tristesse et optimisme semblent déjà se livrer un véritable duel au sein de ce premier morceau, le concert ne fait que commencer… car le maître du luth n'est pas venu seul, tour à tour il invite le percussionniste brésilien Jorge Bezerra, le guitariste malgache Michel Randria et enfin l'incroyable harmoniciste Sébastien Charlier que je n'avais jamais encore entendu dans ce registre.

Le patron décide qui joue et quand, les trois invités sont à l'affût et affûtés… tout se passe dans le regard, la complicité se doit d'être à son firmament, car aucun automatisme ou coussin de phrases archi digérées sur lequel tout musicien peut parfois s'assoir ne seront permis, les cycles peuvent changer au sein de chaque morceau, les intensités et tempi également. Pourtant, des unissons imparables semblent sortir de nulle part comme si les quatre musiciens jouaient ensemble depuis des lustres. Des thèmes comme celui de Travelling souls prennent leur envol avec un son d'harmonica d'une rare finesse et d'une expressivité exacerbée, S. Charlier se permettant souvent les mêmes attaques rapides de notes qu'un joueur de ôud, Nasser tend un regard amusé et admiratif, le public jubile, le rythme sautillant du second cycle met en valeur le percussionniste et sa fougue, le guitariste reste nonchalant et flegmatique (trop ?) malgré la complexité de ses voicings, les questions réponses du ôud et de l'harmonica sont déjà stratosphériques… Un tel niveau de "jouage" dépasse naturellement le cadre de la technique pure et de la virtuosité, le public retiendra tout autant ces regards pétillants que ce flot de notes échangées. Le fourmillement d'idées de musiciens libérés séduit, ravit.

Des ovations méritées d'un public médusé qui ne s'attendait pas à une telle rencontre sur scène ponctueront une soirée d'une classe internationale menée de main de maître par un Naseer Shamma au sommet de sa forme, serein (un solo dantesque joué d'une seule main) faisant la part belle à ses invités même si je dois avouer que j'ai regretté qu'il n'y ait pas plus de titres joués au complet, la complicité de ces quatre musiciens donnant une épaisseur toute particulière à ses compositions.

Un rapide passage en loge me confirma que les quatre musiciens n'avaient jamais joué ensemble…

Tag(s) : #Live Music
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